Rapport fait sur la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, tendant à la reconnaissance de la traite et de l’esclavage en tant que crime contre l’humanité et sur la proposition de loi de M. Michel DUFFOUR et plusieurs de ses collègues relative à la célébration de l’abolition de l’esclavage en France métropolitaine

SCHOSTECK (Jean-Pierre)



 

N° 262

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 1999-2000

Annexe au procès-verbal de la séance du 8 mars 2000

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur :

- la proposition de loi, ADOPTÉE PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE, tendant à la reconnaissance de la traite et de l'esclavage en tant que crime contre l'humanité ;

- la proposition de loi de MM. Michel DUFFOUR, Robert PAGÈS, Mme Marie-Claude BEAUDEAU, M. Jean-Luc BÉCART, Mmes Danielle BIDARD-REYDET, Nicole BORVO, MM. Jean DERIAN, Guy FISCHER, Pierre LEFEBVRE, Paul LORIDANT, Mme Hélène LUC, MM. Louis MINETTI, Jack RALITE, Ivan RENAR, Mme Odette TERRADE et M. Paul VERGÈS, relative à la célébration de l'abolition de l'esclavage en France métropolitaine,

Par M. Jean-Pierre SCHOSTECK,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : MM. Jacques Larché, président ; René-Georges Laurin, Mme Dinah Derycke, MM. Pierre Fauchon, Charles Jolibois, Georges Othily, Michel Duffour, vice-présidents ; Patrice Gélard, Jean-Pierre Schosteck, Jacques Mahéas, Jean-Jacques Hyest, secrétaires ; Nicolas About, Guy Allouche, Jean-Paul Amoudry, Robert Badinter, José Balarello, Jean-Pierre Bel, Christian Bonnet, Robert Bret, Guy-Pierre Cabanel, Charles Ceccaldi-Raynaud, Marcel Charmant, Raymond Courrière, Jean-Patrick Courtois, Luc Dejoie, Jean-Paul Delevoye, Gérard Deriot, Gaston Flosse, Yves Fréville, René Garrec, Paul Girod, Daniel Hoeffel, Jean-François Humbert, Pierre Jarlier, Lucien Lanier, Simon Loueckhote, François Marc, Bernard Murat, Jacques Peyrat, Jean-Claude Peyronnet, Henri de Richemont, Simon Sutour, Alex Türk, Maurice Ulrich.
 
 

LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION

Réunie le mercredi 1er mars et le mercredi 8 mars sous la présidence de M. Jacques Larché, président, la commission des Lois a examiné, sur le rapport de M. Jean-Pierre Schosteck, la proposition de loi n° 234 (1998-1999) adoptée par l'Assemblée nationale, tendant à la reconnaissance de la traite et de l'esclavage en tant que crime contre l'humanité et la proposition de loi n° 406 (1997-1998) de M. Michel Duffour et plusieurs de ses collègues, relative à la célébration de l'abolition de l'esclavage en France métropolitaine.

Le rapporteur a indiqué que la proposition de loi adoptée par l'Assemblée nationale tendait principalement à la reconnaissance par la République du caractère de crime contre l'humanité de la traite négrière et de l'esclavage perpétrés à partir du XVème siècle à l'encontre des populations africaines, malgaches, indiennes et amérindiennes.

Il a précisé que la proposition prévoyait la fixation d'une date de commémoration de l'abolition de l'esclavage en métropole, le développement de la place consacrée à l'esclavage dans les manuels scolaires, la mise en place d'un comité de personnalités chargé de proposer des lieux et des actions pour perpétuer le souvenir de l'esclavage, le dépôt d'une requête en reconnaissance de l'esclavage comme crime contre l'humanité auprès d'organisations internationales, enfin la possibilité pour les associations défendant la mémoire des esclaves d'exercer les droits reconnus à la partie civile pour certains délits.

Considérant que l'article 212-1 du code pénal fait clairement de la réduction en esclavage un crime contre l'humanité, la commission propose d'étendre le champ de la reconnaissance prévue à l'article premier de la proposition de loi, afin de rappeler que, conformément aux dispositions du code pénal, l'esclavage, quels que soient le lieu et l'époque où il est commis, constitue un crime contre l'humanité.

La commission a en outre estimé que certaines dispositions de la proposition de loi n'étaient pas de nature législative. Elle a approuvé la modification de la loi de 1983 relative à la commémoration de l'abolition de l'esclavage pour prévoir la fixation d'une date de commémoration en métropole. Elle a décidé d'intégrer dans la loi de 1983 la disposition de la proposition de loi prévoyant la création d'un comité de personnalités qualifiées tout en prévoyant que ce comité pourrait formuler des recommandations relatives au contenu des programmes scolaires. Elle a supprimé en conséquence les autres dispositions de la proposition de loi.

La commission a adopté la proposition de loi ainsi modifiée.
 


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* *

Sous le bénéfice de l'ensemble de ces observations et des amendements qu'elle vous soumet, votre commission vous propose d'adopter la proposition de loi adoptée par l'Assemblée nationale.

TABLEAU COMPARATIF

___
 
Texte en vigueur 

___

Texte de la proposition de loi n° 406 (1997-1998) 

___

Texte adopté
par l'Assemblée nationale
en première lecture 

___

Propositions
de la Commission 

___

 
Proposition de loi 
relative à la célébration de l'abolition de l'esclavage 
en France métropolitaine

Proposition de loi
tendant à la reconnaissance de la traite et de l'esclavage en tant que crime
contre l'humanité

Proposition de loi

tendant à perpétuer 
le souvenir du drame de l'esclavage.

 
 

Article premier 

La République française reconnaît que la traite négrière transatlantique ainsi que la traite dans l'océan Indien d'une part, et l'esclavage d'autre part, perpétrés à partir du XVe siècle, aux Amériques et aux Caraïbes, dans l'océan Indien et en Europe contre les populations africaines, amérindiennes, malgaches et indiennes constituent un crime contre l'humanité.

Article premier

L'esclavage, conformément à l'article 212-1 du code pénal, quels que soient le lieu et l'époque où il est pratiqué, constitue un crime contre l'humanité.

 
 

Article 2 

Les manuels scolaires et les programmes de recherche en histoire et en sciences humaines accorderont à la traite négrière et à l'esclavage la place conséquente qu'ils méritent. La coopération qui permettra de mettre en articulation les archives écrites disponibles en Europe avec les sources orales et les connaissances archéologiques accumulées en Afrique, dans les Amériques, aux Caraïbes et dans tous les autres territoires ayant connu l'esclavage sera encouragée et favorisée.

Article 2

Supprimé.

 
 

Article 3 

Une requête en reconnaissance de la traite négrière transatlantique ainsi que de la traite dans l'océan Indien et de l'esclavage comme crime contre l'humanité sera introduite auprès du Conseil de l'Europe, des organisations internationales et de l'Organisation des Nations unies. Cette requête visera également la recherche d'une date commune au plan international pour commémorer l'abolition de la traite négrière et de l'esclavage, sans préjudice des dates commémoratives propres à chacun des départements d'outre-mer.

Article 3

Supprimé.

Loi n° 83-550 
du 30 juin 1983 relative
à la commémoration de l'abolition de l'esclavage

Art. unique - La commémoration de l'abolition de l'esclavage par la République française et celle de la fin de tous les contrats d'engagement souscrits à la suite de cette abolition font l'objet d'une journée fériée dans les départements de Guadeloupe, de Guyane, de Martinique et de la Réunion, ainsi que dans la collectivité territoriale de Mayotte. 

Un décret fixe la date de la commémoration pour chacune des collectivités territoriales visées ci-dessus et précise les conditions dans lesquelles cette commémoration sera célébrée sur le territoire métropolitain.

Article unique 

Le dernier alinéa de l'article unique de la loi 
n° 83-550 du 30 juin 1983 relative à la commémoration de l'esclavage est remplacé par trois alinéas ainsi rédigés : 

"  Un décret fixe la date de la commémoration pour chacune des collectivités territoriales visées ci-dessus. 

" En France métropolitaine, la date de la commémoration annuelle de l'abolition de l'esclavage est fixée par le Gouvernement après la consultation la plus large. 

"  Les services publics de l'Education nationale et de la Radio-Télévision apportent leur concours à la réflexion des jeunes sur le système esclavagiste dans l'histoire du monde et de son abolition. "

Article 3 bis (nouveau)

Le dernier alinéa de l'article unique de la loi 
n° 83-550 du 30 juin 1983 relative à la commémoration de l'abolition de l'esclavage est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés : 

"  Un décret fixe la date de la commémoration pour chacune des collectivités territoriales visées ci-dessus. 

" En France métropolitaine, la date de la commémoration annuelle de l'abolition de l'esclavage est fixée par le Gouvernement après la consultation la plus large. "

Article 3 bis

Le ... 

... par trois alinéas ainsi rédigés : 

(Alinéa sans modification) 

(Alinéa sans modification) 

" Il est instauré un comité de personnalités qualifiées, parmi lesquelles des représentants d'associations défendant la mémoire des esclaves, chargé de proposer, sur l'ensemble du territoire national, des lieux et des actions qui garantissent la pérennité de la mémoire de ce crime à travers les générations, notamment dans les programmes scolaires. La composition et les missions de ce comité sont définies par décret en Conseil d'Etat.

 
 

Article 4 

Il est instauré un comité de personnalités qualifiées, parmi lesquelles des représentants d'associations défendant la mémoire des esclaves, chargées de proposer, sur l'ensemble du territoire national, des lieux et des actions de mémoire qui garantiront la pérennité de la mémoire de ce crime à travers les générations. Les compétences et les missions de ce comité seront fixées par décret en Conseil d'Etat.

Article 4

Supprimé.

Loi du 29 juillet 1881 
sur la liberté de la presse

Art. 48-1 - Toute association régulièrement déclarée depuis au moins cinq ans à la date des faits, se proposant, par ses statuts, de combattre le racisme ou d'assister les victimes de discrimination fondée sur leur origine nationale, ethnique, raciale ou religieuse, peut exercer les droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne les infractions prévues par les articles 24 (dernier alinéa), 32 (alinéa 2) et 33 (alinéa 3) de la présente loi. 

Toutefois, quand l'infraction aura été commise envers des personnes considérées individuellement, l'association ne sera recevable dans son action que si elle justifie avoir reçu l'accord de ces personnes.

 

Article 5 

A l'article 48-1 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, après les mots : « par ses statuts, de », sont insérés les mots : « défendre la mémoire des esclaves et l'honneur de leurs descendants, ...».

Article 5

Supprimé.



 
 

1 Rapport AN n°1378,10 février 1999. 

2 Conseil d'Etat, rapport public pour 1991.


 
 
 
 
 
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